Pour une évangélisation de l’écologie!

Allez, un petit billet pour rebondir sur un texte de Patrice de Plunkett, lien posté en commentaire par le bogosse Chafouin sur un sujet parlant du sommet de Copenhague.

Le but n’est clairement pas ici de justifier ma position, mais bien plutôt de l’expliciter, et d’essayer d’avancer dans la réflexion. Pour être honnête, le billet en question a d’abord et surtout été motivé par un certain énervement provoqué par le matraquage médiatique au sujet de Copenhague, ainsi que par le déferlement de catastrophisme et de termes grotesquement grandiloquents sur le sujet. Je ne nie pas l’importance de ce sommet et des engagements concrets qui y seront pris, je ne conteste pas non plus le fait que la sensibilisation du public sur les thématiques environnementales se fait aussi au travers des médias. Ce qui m’agace, je l’avoue, c’est cette espèce d’unanimisme collectif, d’orgasme médiatique, et d’autosatisfaction béate. Il me semble que le sujet est suffisamment important ET complexe pour en exposer les problématiques de façon posée, équilibrée, et en évitant toute simplification abusive.

L’intérêt d’une réflexion suscitée par un énervement, c’est que ce dernier étant en général passager, il laisse assez rapidement la place à des interrogations personnelles un peu plus intéressantes et constructives. En l’occurence, je ne me suis pas réellement senti concerné par le terme « écolophobe » employé par l’excellent Patrice de Plunkett dans sa charge contre une certaine partie des catholiques. Il me semble, sans avoir personnellement pu entendre ou lire les propos auxquels il fait allusion, que cet adjectif est quelque peu excessif. En ce qui me concerne, je me sentais jusqu’il y peu plutôt écolosceptique : je suis en effet dubitatif devant la médiatisation d’une certaine forme de discours écologique visant à culpabiliser l’Homme, perçu comme une espèce de parasite inutile et prédateur d’une planète Terre sacralisée et élevée au rang de déesse-mère devant laquelle l’Homme devrait forcément s’incliner. Sceptique donc, mais aussi passablement effrayé par le retour de théories malthusiennes prônant la limitation de la population à la fois pour réduire le nombre de coupables écologiques, de pauvres et donc d’envahisseurs potentiels. Enfin, j’étais et reste extrêmement méfiant devant la faculté d’adapatation d’une idéologie ultralibérale capable de se servir de l’écologie  pour maintenir encore et toujours plus l’Homme dans un asservissement consumériste et individualiste. En bref, consommer toujours plus, mais différemment.

Mais au delà d’un énervement momentané et assez  peu productif, et à y réfléchir de plus près, il semble bien que les catholiques aient réellement le devoir de se saisir de la question écologique, de façon comme le dit jort justement Patrice de Plunkett à « convertir » et « évangéliser l’écologie« . On peut en effet noter combien les positions de nombreux écolos sont finalement très proches de certains principes de théologie morale. Comment un catholique ne peut-il pas accueillir favorablement et soutenir des propos qui nous rappellent que les biens terrestres et matériels sont finis et limités et qu’en conséquence il convient d’en avoir un usage modéré et ordonné? Comment ne pas se réjouir de voir qu’une grande partie d’entre eux, même ceux issus de mouvances politiques ou idéologiques peu suspectes de proximité avec la pensée catholique, sont bien loin de mettre en cause l’Homme, mais au contraire ont pour objectif de le relever à sa juste place en responsabilisant ses comportements, en particulier en luttant contre une société ultralibérale qui ne parvient qu’à réduire l’humain à un pur consommateur forcené et auto-centré? Comment ne pas faire le rapprochement entre ce type de discours et les propos du pape Benoit XVI à l’occasion du sommet de Copenhague : « Je souhaite que les travaux (de Copenhague) aident à identifier des actions respectueuses de la création et en faveur d’un développement solidaire, fondé sur la dignité de la personne humaine et orienté vers le bien de tous. La sauvegarde de la création demande l’adoption de styles de vie sobres et responsables, surtout envers les pauvres et les générations futures« ?

L’évangélisation de l’écologie, ou plus modestement son humanisation, doit nous conduire à faire en sorte que cette écologie soit réellement tournée vers l’Homme, et non contre lui. Cette réflexion doit nous pousser à nous engager positivement et résolument dans un projet qui peut contribuer, s’il est correctement mené, à élever l’Homme, et à respecter une création dont nous ne sommes que dépositaires et non propriétaires, et dont nous sommes redevables vis à vis des futures générations. En conséquence, cela implique de promouvoir la remise en question radicale de nos modes de vie, de nos habitudes de consommation et de nos modèles économiques, en faisant nôtres au quotidien des concepts qui n’ont pourtant rien de révolutionnaires : sobriété, responsabilité et solidarité. Si nous avons réellement pour ambition de continuer à lutter pour protéger la dignité de l’Homme, alors il nous faut nous impliquer sur le sujet.

D’autant que si les catholiques n’investissent pas le mouvement qui est en marche et ne se saisissent pas de ces problématiques, alors le risque est grand de le voir se retourner contre l’Homme. Alors qu’attendons-nous?

A lire le très bon dossier de Médias et Evangile : http://www.medias-evangile.org/IMG/pdf/Mobilisation_catho_ecolo.pdf

10 Responses to Pour une évangélisation de l’écologie!

  1. Bien senti et bien utile !
    Nous nous en faisons bientôt l’écho sur notre blog !

  2. NM dit :

    J’ai un peu de mal à comprendre comment on peut être écolophobe (sauf si cela vise un parti politique en particulier) et chrétien.
    Il y aurait beaucoup à dire sur la question. Patrice de Plunkett à pris énormément d’avance sur beaucoup de catho… Mais à la limite, notre retard peut être aussi un avantage dans la mesure où nous pouvons nous reposer tout une série de questions qui permettent soit de passer pour des abrutis, soit de reformuler des questions mal posées notamment afin de remettre l’homme au coeur de la création (notion totalement absente de la réflexion écolo non chrétienne).

  3. Laloose dit :

    Je pense que le « phobe » évoqué par P.de Plunkett est exageré. Il me seble qu’il s’agit plus d’un scepticisme ou d’un détachement, voire dans certains cas d’un rejet du mouvement ecolo actuel pour cause de complot type climategate.
    Tu as raison de souligner l’absence de la notion d’homme au cœur de la création dans la pensée écologique majoritaire. Et c’est la dessus que nous devons travailler. En revanche l’elevation de l’homme, et sa « libération » des chaînes de l’esclavage de la consommation est une thématique plus courante, et cela est porteur d’espoir je trouve. Et de même pour la notion de remise en question de la toute puissance de la science et du respect de processus naturels.
    Je suis egalement d’accord sur le fait de dire que notre retard peut être transformé en force, et notamment dans notre questionnement personnel sur notre propre façon de vivre et d’envisager la notion de bien commun ou de conception politique et économique de la Cité.

  4. pelmer dit :

    A mon avis, ce billet complète utilement le précédent, sans en annuler la pertinence. On peut être convaincu de la nécessité d’une saine écologie, avec Benoît XVI et Jean-Paul II, et trouver excessif (sur la forme et sur le fond) le tapage médiatique-bourrage de crâne qu’on nous fait subir depuis quelques jours. Les bonnes causes doivent parfois être protégées contre certains de leurs zélateurs.
    A part ça, un point me semble remarquable : l’insistance des papes sur le lien qui existe entre la foi en un Dieu qui crée par amour et avec sagesse, d’une part ; et le regard que l’on porte sur le monde comme « don de Dieu à respecter », d’autre part. Il y a là, me semble-t-il, large matière à réflexion.

  5. Laloose dit :

    @pelmer : exact! Ce qui me semble primordial, c’est de dépasser la méfiance pour entrer dans l’espérance. Car non seulement l’écologie sainement menée peut conduire à la préservation d’un monde que Dieu nous a confié, mais en plus cette préservation peut être obtenue par la remise en question de ce qu’est devenu l’Homme. Si c’est bien pour l’Homme qu’il faut oeuvrer en priorité, les deux combats vont de pair, surtout si la préservation de l’environnement peut servir de facteur de réflexion profonde et positive sur nos comportements moraux, sociaux et économiques. Je pense que c’est dans ce sens que l’evangelisation de l’écologie doit être comprise et promue.

  6. pelmer dit :

    Entièrement d’accord. Un écho à tes réflexions dans le récent Message de Benoît XVI sur la paix :
    http://www.zenit.org/article-22985?l=french

  7. francis dit :

    La dimension « population » , centrale pour l’écologie,
    est-elle prise en compte par la théologie catholique, chrétienne?
    Une réflexion et une prise de distance avec le « croissez et multipliez » de la Bible me paraît le point de départ obligatoire de l’écologie chrétienne.

  8. Laloose dit :

    Francis,
    La dimension de la « population » est importante, mais je ne pense pas qu’elle soit « centrale ». Quand on voit les différentiels de consommation entre les différentes zones de la planète, on peut commencer par remettre en question notre propre modèle de vie et notre propre modèle socio-économique avant de se poser la question de savoir si nous sommes trop ou pas assez nombreux. Question de toute facon insoluble, puisqu’il est impossible de connaitre les progrès scientifiques futurs et leurs conséquences sur l’équilibre Homme-Environnement.
    La « réflexion » que vous appelez sur cette thématique me semble opportune, même si -je vous rassure- elle est déjà lancée depuis un bon moment. Quant à la « prise de distance », elle est prématurée à ce stade.
    Point de départ obligatoire, cela n’engage que vous, je serais interessé de connaitre votre réflexion à de sujet. Personnellement, il me paraitrait plus interessant de ne pas limiter la réflexion à ce seul prisme.

  9. francis dit :

    je pense effectivement que la question de lapopulation est aussi centrale que celle du mode de vie. la bonne nouvelle des dernières décennies est que la population mondiale se stabilisera, au XXI eme siécle, en dessous de 10 Milliards d’êtres humains.
    Le premier défi est d’en prendre acte, d’arrêter de voir dans la croissance démographique une obligation,un objectif, un stimulant, d’en tirer les conséquences en terme de contraception. Le second est de développer les modes de vie qui permettent à ces milliards d’être humains de bénéficier des droits élémentaires, d’avoir un niveau de vie suffisant, assurant leur bonheur …avec les nécessaires conséquences sur l’économie, la frugalité, la valorisation du lien plus que du bien…
    ensuite…éviter la décroissance démographique, qui nous amènerait vers notre disparition…

  10. […] Autrement dit, l’écologie humaine rappelle que l’homme fait partie de la nature mais qu’il est fondamentalement différent des autres créatures. Il a été créé à l’image de Dieu. Par conséquent, toute écologie doit rester humaniste. Le chrétien peut rappeler cette vérité fondamentale par son engagement et ainsi évangéliser l’écologie. […]

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